Entretien avec Pierre Guéguen, patron de pêche industrielle puis pêcheur côtier « Nous avons dit qu’il fallait protéger les frayères »

, par  Guéguen Pierre, LE SANN Alain
Pierre Guéguen à la Journée Mondiale des Pêcheurs, 2019

En 2019, avec des étudiants de la formation AUTELI de l’UBS, nous avons poursuivi nos enquêtes auprès de pêcheurs pour les interroger sur leurs pratiques et leurs savoirs. C’est ainsi qu’avec Djouma Ali, nous avons interrogé Pierre Guéguen, ancien patron de chalutier industriel qui a ensuite pratiqué la petite pêche professionnelle jusqu’à ses 75 ans, avant d’arrêter, contraint et forcé sur ordre du médecin. Voici quelques extraits de cet entretien réalisé en 2019 où il évoque le développement des chalutiers industriels pêche arrière mais aussi des phénomènes plus récents comme l’invasion des poulpes ou la multiplication des échouages de dauphins.

A : Alain Le Sann
D : Djouma Ali
P : Pierre Guéguen

Le marché n’était pas préparé pour avoir tous ces poissons qui arrivaient (années 1970)

Port de lorient, années 70
Alain Le Sann

A : Pourquoi vous rameniez autant de poisson sachant qu’il n’y avait pas de marché ? parce que ça posait aussi la question de la ressource etc… donc comment vous voyiez ça ?
P : Là, à cette époque, … on découvrait la puissance de pêche des pêches-arrières avec les 1000 chevaux tu vois ? … tout le monde, beaucoup d’armateurs ont vendu leurs classiques et ont eu des subventions pour faire des pêches arrière. Ça été mal mesuré ce truc parce qu’on passait pratiquement, je sais pas, à plus du double de pêche et que le marché n’était pas préparé pour avoir tous ces poissons qui arrivaient, surtout qu’on pouvait prospecter les endroits qui étaient plus poissonneux qu’avant, on allait beaucoup plus au nord, on trouvait les frayères des poissons, on passait mieux avec ces bateaux là et, effectivement, où on ramenait chaque fois 40-50 tonnes avec un chalutier classique avec un rampe arrière c’étaient 200 tonnes.

En pêche en Nord Ecosse
Brigitte Enguerard

A : D’un seul coup ?
P  : Oui, oh oui, même plus hein. Nous, quand on allait en Allemagne et qu’on a trouvé ces marchés allemands, danois et anglais, …. bon c’est là que ça a marché. Nous, on envoyait jusqu’à 250 tonnes, ça c’est notre bateau, il y avait un qui a dû envoyer je crois jusqu’à 300 tonnes, le « Julien Quéré », donc on avait une puissance de pêche qui était importante, moi j’ai vu arriver le 9ème jour, le 9ème jour à Bremerhaven, avec 260 tonnes, donc on avait une grande puissance. Et comme c’était des bateaux qui étaient plus rapides que les autres, ça nous permettait de prospecter bien plus loin, c’est là qu’on a attaqué les Feröe, qu’on a été sur de nouvelles zones.

On était les premiers pour dire qu’il fallait protéger les frayères

A : Oui mais à l’époque ça ne vous posait pas question ? vous alliez sur les frayères etc. donc …
P : Mais si ! mais ça on était les premiers justement, moi j’étais à Bruxelles pour dire que bon il fallait protéger les frayères. Mais non, non, pour eux c’était augmenter le maillage et protéger les juvéniles. Moi j’étais pas d’accord, nous en mer on n’était pas d’accord parce qu’on savait très bien d’une année sur l’autre comment ces frayères diminuaient, on voyait qu’il y avait une diminution de pêche sur les frayères. Mais comme il y avait plusieurs, je te prends comme le lieu noir, on en connaissait au moins 3-4 qui étaient capitales et qu’on connaissait bien ces frayères-là. Et… bon alors ce qu’il y a c’est qu’on n’étaient pas tout seuls, on avait les Allemands avec nous, on avait les Anglais donc il fallait faire une décision européenne quoi ! Heureusement qu’à cette époque-là, il n’y avait plus les Russes, les Russes étaient partis mais ils avaient décapé quand même un gros paquet déjà bien avant mais….
A : Donc en fait, en tant que pêcheurs, vous aviez senti qu’effectivement …
P : tout de suite ! tout de suite !
A  : Tout de suite ? ah bon ?
P  : Ah oui, on l’a dit ce truc, on était tout le temps en conflit pratiquement avec les chercheurs qui ne voulaient pas comprendre cette question-là, on nous imposait des augmentations de maillage pour faire passer les juvéniles, c’est un bien, bien sûr et encore quelquefois, euh… c’était mauvais. Je vais te prendre l’exemple sur la lingue bleue, sur les Feroë, ils nous avaient imposés un maillage de 135, j’ai l’article du journal là encore avec moi, 135 et pour pêcher 4000 tonnes qu’on nous allouait sur la zone, ce sont les Danois je crois qui nous donnaient ça, 4000 tonnes de lingue bleue sur Louisy Bank. Les bancs de Feroë et les accords des bancs de Feroë. Bon … les 4000 tonnes, un an et demi, on aurait mis combien de temps pour les pêcher les 4000 tonnes ? Dans les 4000 tonnes, c’étaient 4000 tonnes de femelles !!! Elles pouvaient pas passer parce qu’avec le ventre plein de graines, elles restaient coincées avec le ventre plein de graines dans le 135, alors les mâles se barraient puis on pêchaient que des femelles. J’ai été expliquer ça là-bas mais on te prend pour un ignare, pour quelqu’un de con, c’est tout ! Tu vois comment se comporte le poisson dans le chalut, tu vois ceux que tu pourras préserver, c’est sûrement mieux de pêcher là-bas avec un maillage de 100 millimètres comme on avait sur la zone écossaise et la zone communautaire que le mettre à 135, pour pêcher 4000 tonnes de femelles, c’est complètement idiot, complètement idiot !!!
A : Et cette position de Bruxelles, elle venait d’où ?
P : Ah, c’était une position unilatérale qui avait été faite par les Danois et les Féringiens, c’était uniquement pour nous évincer, pour montrer que le peu de poisson avec le 135 c’était pas rentable pour les chalutiers, ça c’était dans leur esprit ça
A  : Donc c’est eux qui influençaient le …. ?
P  : Exactement
A  : Mais c’était pas les scientifiques qui imposaient ça ou …. ?
P : Non, je ne pense pas que c’étaient les scientifiques dans leur ensemble, ça c’était une demande qui avait été faite uniquement par les Feroë, tout ça c’était assez dérangeant quoi, ce système de maillage parce que ça impliquait à changer de chalut à chaque fois que tu changes de zone tout compte fait. Donc avoir plusieurs gréements à bord qu’au prix que ça coute mais tu avais la même chose du côté de la Norvège, qui était un maillage aussi plus fort pour pêcher de la sébaste ou des trucs comme ça donc il aurait fallu avoir plusieurs sortes de chalut avec plusieurs sortes de maillage alors que sous la règle communautaire on avait du 90 ou du 100 à cette époque-là, je ne me rappelle plus, mais c’était bien quoi.
A  : Donc vous vous rendiez compte très clairement que ...
P : Ah tout de suite
A  : Que ce système…
P : Ah oui oui, oui, on se concertait, on discutait de tout ça en VHF entre nous quoi et si on est partis à plusieurs, il y a des patrons qui sont partis le « Relecq » tout ça, sont partis là-bas aussi et ils ont dit la même chose hein, qu’il fallait protéger les frayères. Et il y avait des frayères qui étaient beaucoup plus sensibles que d’autres. Je vois pour le cabillaud, on avait deux ou trois intéressantes, je parle pas de Sud Irlande parce qu’on ne la fréquentait pas, mais celles de Ouest Irlande, Baie de Donegal, la zone de Lisrahu (?)…. Moi j’ai vu faire 60 tonnes de morues en une journée hein, du cabillaud, et sur la frayère parce qu’on savait, c’est assez facile parce que à cette époque tu sais très bien que c’est en début mars, première semaine de mars quoi, que tu vas tomber dessus. Le travail, le jeu, consistait à chercher des détections et puis bon, quand t’avais trouvé les détections, ben tu mettais dedans et c’était… Le haddock c’était exactement pareil, tu vas faire un trait de 20 tonnes de haddock…. cette époque mais bon c’est ça ! c’était facile hein sur les frayères, très facile.

On n’a pas mesuré la capacité de pêche de ces bateaux

A : Donc en très peu de temps en fait, c’est l’arrivée, de la pêche arrière dans les années 70.
P : Oui, on n’a pas mesuré la capacité de pêche de ces bateaux et puis bon, les lieux de pêche qu’ils pouvaient atteindre dû à leur vitesse …
A : Ce qui s’est passé ce que, vous aviez disons raclé un secteur et puis on allait plus loin quoi ?
P  : Euh oui, c’est-à-dire qu’on avait plusieurs secteurs, comme ça … heureusement d’ailleurs. Quand tu vois la pêche comment ça s’est développé, des bateaux ont commencé, avant à Lorient c’était le merlu et la dorade dans les années 60, c’était ça hein, merlu-dorade, après bon ben on a trouvé encore ces merlus-dorades encore plus nord et en plus on avait du cabillaud, la lingue, ainsi de suite quoi et tout ça, et ça fait que c’est un bonus, c’est un surplus quoi. Et ce qui est intéressant c’est que on pouvait faire des marées de 40 tonnes, 50 tonnes alors qu’avant dans le Golfe, quand tu venais avec 20 tonnes, c’était fantastique, c’était du beau poisson, 20 tonnes de beaux poissons quoi mais Lorient était attaché surtout à ça. Et quand tu vois maintenant le prix du merlu… c’est rien du tout, c’est un poisson nul pratiquement maintenant quoi.
A : Il a perdu ses marchés
P : Ah oui, ben oui oui, avant on avait surtout le marché espagnol pour le merlu et puis maintenant en France hein, c’était très très prisé pour les fêtes, pour tout hein, ouais c’était comme ça. Et bon les frayères à merlu, je pense qu’elles sont plus résistantes parce que tu vois ça continue toujours, ils font des très belles pêches dans l’ouest et on peut pas dire que les zones sont énormes, non, non. Il y a un autre système de pêche au pélagique, bon ils ont mis au point un système qui est pas mal pour pêcher du merlu, mais bon nous c’était uniquement au fond quoi, si le merlu n’était pas au fond, ben tu pêchais rien. C’est pour ça que ce poisson il a résisté beaucoup parce qu’il a la possibilité de monter et de descendre plus qu’un lieu noir ou qu’un cabillaud quoi.
A : Vous alliez jusqu’à combien de …. quelle profondeur à l’époque ?
P : Alors là c’est intéressant de savoir parce qu’on allait, pour le merlu, on allait jusqu’à 600 mètres à peu près, maximum 700 même, mais c’était 600 mètres le plus creux qu’on allait et puis bon plus haut c’était 120 mètres c’est tout, c’est ça hein. On a retrouvé la même chose dans le grand nord et dans l’ouest Irlande et ouest Ecosse, des endroits où on le trouvait aisément à 120 mètres au mois de juillet, il y avait dans l’ouest à Achill, y avait une période de frai là aussi, c’était sur les fonds de 100 mètres-120 mètres quoi et puis des beaux merlus de 10 kg, super ! Tout le long en Ecosse, c’était pareil, 61 et 62, c’est très nord çà, au nord des Orcades pratiquement, on pêchait du merlu alors qu’on n’aurait jamais pensé trouver du merlu là-bas quoi, alors les premiers qui ont été là-bas, ils ont fait des très belles pêches hein, avec les coups de chaluts il fallait voir. Moi le peu que j’ai fait, 18 tonnes-19 tonnes de merlus dans ma journée donc. 19 tonnes c’était une grosse pêche avant pour une marée, tu vois ? C’est ça ! Et là je suppose que ce poisson-là, il est toujours là-bas hein, je pense pas qu’il y a des pélagiques qui vont faire du merlu là-bas.
D : Et du coup, comment vous faisiez pour cibler vos espèces ? C’était par rapport à la saisonnalité… ?
P  : On n’avait pas d’appareil justement pour cibler ou très peu quoi, on avait seulement le sondeur pour voir le fond bien sûr, la nature du fond quand on connaissait bien le truc et on avait des détections. Alors on avait des détections, il faut savoir interpréter la détection en fonction de l’heure de la journée et en fonction de beaucoup de choses d’ailleurs.
A  : C’est ce qui apparaissait sur le sondeur ?
P  : Oui, oui, alors quelquefois… bah c’était déjà intéressant de voir des détections, on voyait que c’était pas nul déjà, le fond n’était pas désert. Les détections, la plupart du temps c’étaient du merlan poutassou, merlan bleu, on fait beaucoup de farine avec ça.
A : et du surimi.
P  : du surimi aussi, qu’ils font toujours et, entre autre, il y avait aussi une période où on trouvait des taches, il y avait des taches, c’étaient des crevettes. Ça c’était intéressant parce que beaucoup de poissons sont friands des crevettes, alors bon il y avait aussi des détections de lieus noirs qu’on trouvait quelquefois à la tombée de la nuit, on appelait ça des parachutistes, c’est un V, des petits V comme ça euh… renversés et ça se posait sur le fond la nuit comme ça mais ça on trouvait surtout sur les hauteurs aux alentours des plateformes pétrolières. Alors bon, le système c’était d’attendre qu’ils se reposent sur le fond, quand on trouvait le paquet, on passait dans, on enlevait 15-20 tonnes d’un coup en très peu de temps quoi. Mais bon, lorsqu’on allait dans les grands fonds, on voyait pas de détections, très peu de détections, ça nous donnait pas grand-chose parce que bon ça devait être trop creux, on avait pas de sondeurs suffisamment puissants ni rien du tout
D  : Ce n’était pas comme aujourd’hui quoi
P  : Ah non, maintenant ils ont des multifaisceaux, ils ont des trucs qui peuvent très bien cibler et une fois observé on arrive à trouver un spectre qui correspond à l’espèce ou bien plutôt qu’on veut cibler quoi.

La fin des grands armements industriels
Alain Le Sann

On parle de la raréfaction du poisson...il y a des espèces invasives, on n’en parle pas

D : Et justement que pensez-vous de cette évolution ? parce qu’on voit très bien que la pêche d’aujourd’hui n’est pas la pêche d’hier, n’a pas le même visage…
P  : Alors oui, on entend énormément de choses et de bêtises en même temps parce que oui bon, il y a le bashing écologiste là qu’on attrape plein les oreilles et ce qu’il y a, il y a beaucoup de choses qui sont fausses dedans mais bon … On nous parle bien sûr de la raréfaction du poisson, de la ressource, y a des espèces qu’on pêche moins, c’est un fait hein, ça se voit, ici même en pêche côtière, puis y a des espèces qui sont invasives et ça on n’en parle pas ! Non, non, ça fait chier tout le monde, on n’en parle pas.
A  : Par exemple ?
P : Les araignées ! Les fileyeurs maintenant ils ne mettent plus les filets pour passer la nuit hein parce que bon en une semaine, ils n’ont plus de filets. Alors ce qu’ils font, ils filent le matin à 3h, ils filent à 3h le matin et puis une fois qu’ils ont fini, ils commencent à revirer quoi, pour que les filets soient le moins longtemps possibles… les filets maillants hein, c’est pas des filets très longs. Ces filets-là, bon ben ils les mettent le moins possible au fond et essayent d’avoir le maximum de poisson et puis…. et le minimum d’araignées quoi.
A : Comment tu expliques ça ? ce changement de …
P  : J’ai pas d’explication à ça ! du tout. Il y a une espèce aussi qui est invasive, le homard, curieux hein ? le homard, c’est curieux, ça fait 6 ans qu’on voit que le homard augmente, comme ça ! Et dans les mêmes coins, mêmes secteurs, là je vois avec le peu de casiers que je mets actuellement… ben c’est fantastique quoi, c’est fantastique, c’est bien. J’ai entendu parler que la langouste revient aussi, il y a autre chose aussi, bon ça c’est au niveau des crustacés, mais bon quelle explication donner à ça ? est-ce que des poissons qui se nourrissaient quelques fois des œufs de homard, je te parle comme des tacauds et tout ça, on en voit de moins en moins. Donc est-ce que cette espèce qui bouffe plus des œufs de homard, ont laissé proliférer cette espèce ? Je ne sais pas. Bon c’est une supposition, c’est tout, ce n’est pas une certitude quand même mais bon…
A  : Donc il y a moins de poissons et plus de crustacés ?
P  : Bon, il y a des espèces de poissons qui résistent hein, c’est sûr, je vois ici c’est la dorade royale, il y en a plus qu’avant. Bon, moi ça fait 2 ans que j’ai arrêté mais je pêchais beaucoup plus de dorade royale que de bar tu vois, ça avait changé, les bars y en avait beaucoup moins et la dorade royale oui. Donc la sole, je ne sais pas, je ne le faisais plus donc, et puis bon… à 75 ans, ça commençait à être dur de lever des mètres de filet par jour hein, donc …. Je préfère privilégier les casiers quoi, ça été le plus intéressant, ouais c’est plus intéressant à la surprise quoi tu vois, on découvre, c’est toujours …. On regarde, il y a une bestiole, quelques fois 2 ou 3, une fois j’en avais fait 3 gros dans le même casier. C’est beau à voir quoi, oui c’est joli.
A  : Mais il parait que, le phénomène on le retrouve de l’autre côté de l’Atlantique
P : Ah oui ?
A  : Ah les homards, c’est dans la Nouvelle Angleterre c’est, je sais pas, plus de 50.000 tonnes.
P  : Oh putain… (rire)
A : Donc… et les scientifiques, ils n’arrivent pas à comprendre quoi, ils disent mais pourquoi …. Ils disent il y a des millions de casiers, des millions de casiers et les nombres augmentent tout le temps, ils disent mais ça va s’arrêter ou quoi ? et les pêcheurs disent non, non ça continue. Sauf que dans le sud là, il y a un réchauffement et là le homard commence à disparaitre.
P  : Ah ouais
A  : Donc c’est… alors c’est un phénomène qu’on rencontre de deux côtés
P  : Oui, mais tu as les araignées aussi, pareil hein, ça augmente aussi, il y a pas que les homards.
A  : Alors, il y a des phénomènes surement… qui sont liés au changement de l’environnement et peut être aussi la diminution ….
P  : Ouais et puis au niveau des prédateurs quoi, je pense qu’il y a ça hein…
A  : La diminution des prédateurs,
P  : Oui, il y a cette année, un truc qui est remarquable, le retour des pieuvres. Déjà l’année dernière, l’année d’avant, on commençait à …. Parce que ça avait disparu les pieuvres, on trouvait plus de pieuvres. Et il y a deux ans de cela, la dernière année que j’ai terminé, c’était tous les jours, on avait des pieuvres dans nos casiers, jusqu’à 5-6 pieuvres dans les mêmes casiers et cette année la pieuvre est venue plus à terre on trouve des pieuvres le long des môles. C’est fou hein ?! Et tout le monde le dit, il y a plus de pieuvres cette année que les autres années et puis là pourtant… tu remarques quand même que le prédateur de la pieuvre c’est le congre… on pêche des pieuvres à qui il manque des tentacules, on voit qu’il y a eu de la bagarre donc est-ce que c’est le fait que la pêche du congre a été plus intensive avec les nouvelles nasses et tout ça ? On pourrait faire le lien.
A : Ouais parce qu’il y a quand même des grosses pêches au congre non… ?
P  : Maintenant oui. Oui, oui, il y a des grosses pêches au congre, bon maintenant ils ont mis des nasses, un type seul dans son bateau il peut faire un certain tonnage. C’est bon pour les jeunes ça, mais il faut débarquer tout ça.
A  : Donc oui, maintenant on pêche le congre à la nasse ?
P  : Oui, oui, on pêche à la nasse et puis alors ils ont droit je pense qu’à un certain nombre de nasses parce que, ouf, c’est dévastateur…
A  : La nasse ?
P  : Oui
A : C’est dévastateur en quel sens ? C’est très efficace ?
P : Oui, c’est très efficace oui, c’est 40 kg par nasse donc c’est fou hein
A  : Et que le congre, y a pas de poissons qui prennent ?
P : Je ne sais pas,
A  : je crois que ….Ils ont tenté plusieurs fois mais effectivement on pêche essentiellement du congre
P
 : du congre oui, oui. ben ils ont peut-être mieux adapté leur nasse à la pêche au congre ? je sais pas

La mer ne se vide pas

A : Donc toi tu penses que la mer ne se vide pas ? on entend ça pourtant
P : Oui mais non, pour moi non ! non, non, regarde un petit peu, la ressource est…. , la pression sur la ressource est en diminution. T’as moins de pêcheurs, t’as moins de bateaux, c’est en diminution et c’est normal que ça commence à augmenter quand même, on commence à voir l’augmentation. Les dauphins, pourquoi on a plus de dauphins sur les côtes qui sont échoués, t’as moins de pêcheurs donc on devrait avoir moins de dauphins ? y en a plus, bon est-ce que c’est l’espèce qui augmente ou bien quoi ? c’est ça ! c’est la population qui est plus importante, je pense.
A : Elle est prise dans les filets ?
P : Oui, c’est ça elle est prise dans les filets
A  : Ce n’est pas les chaluts pélagiques ?
P : Si, non, non c’est les chaluts pélagiques, ouais ouais mais ça tout le monde le sait ce truc
A  : Mais on disait que les chaluts pélagiques avaient réussi plus ou moins avec les pingers à les éloigner
P : Oui, mais tu sais les dauphins quoi que l’on dise, ils n’ont pas la même intelligence que nous hein, ils sont encore plus cons qu’un mulet tu vois, un mulet il arrive encore à sauter par-dessus un filet, un dauphin n’arrive pas, c’est vrai ça, c’est terrible et bon c’est quand même avec du pélagique. Bon est ce que tout le monde a des pingers ? Je ne sais pas, il y a aucun intérêt toujours à pêcher ce mammifère, y a aucun intérêt, c’est pas vendable .

Entretien par Djouma Ali et Alain le Sann

Documentaire en ligne de Corinne Fortier (anthropologue et réalisatrice, CNRS-LAS) sur Pierre Guéguen intitulé Pierrot Guéguen, capitaine voyageur. De la rivière d’Etel à la mer de Java (2023, 5h, 34mns) Il est accessible sur https://www.canal-u.tv/chaines/ehess/portraits-de-mer/pierrot-gueguen-capitaine-voyageur-de-la-riviere-d-etel-a-la-mer-de

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