Pour un comité de survie de la pêche

, par  COGUEN, Nicolas

Nicolas Coguen, pêcheur lorientais, patron du Drakkar, lance cet appel pour un comité de survie de la pêche.

C’est à ceux qui voudront bien se réunir le vendredi 19 avril à 17 h , salle Verrières, au port de Lorient, d’en décider.

Nous n’en pouvons plus

Nous, pêcheurs, venons de vivre un mois d’arrêt de la pêche pour protéger les dauphins. Pour les années qui viennent, ces arrêts seront repris et des ONG réclament des arrêts de 4 mois et plus. En choisissant de défendre les dauphins contre les pêcheurs, ces ONG nous ont fait comprendre qu’on ne voulait plus de nous alors que je n’ai jamais vu autant de dauphins au cours de mes 30 ans de pêche. Tant qu’un dauphin risquera d’être capturé, elles n’arrêteront pas, parce que c’est leur gagne-pain. Ils ont le droit de vivre, mais nous aussi et eux ne sont pas soumis aux quotas.

On nous a promis des indemnités mais elles mettront des mois à nous parvenir. Pour ma part, je n’y ai pas droit parce que je pêchais le poulpe à cette époque avant de reprendre au filet. J’ai pu payer mes matelots mais en sacrifiant mon propre revenu. On nous a même interdit d’entretenir notre bateau et pour certains, cela se traduit par une grave dégradation de leur outil de travail.

Dans le même temps, d’autres ONG, également très puissantes, financées à coup de millions d’euro et de dollars, lancent des campagnes médiatiques, organisent des coalitions de plus de 50 organisations pour « façonner l’opinion » et « sauver les océans ». Elles accusent les pêcheurs d’être les pires destructeurs des océans. D’autres nous accusent d’être des massacreurs et leur gourou rêve de mettre les hommes dans des réserves. Nous pêcheurs, c’est ce qui nous attend bientôt. Pourtant nous pêchons depuis des siècles, nous ne voulons pas détruire notre source de vie et quand nous dépassons les bornes, nous en payons le prix, ce qui nous oblige à redresser la barre. Nous sommes des sentinelles de l’océan et nous voyons chaque jour les changements. Mais nos efforts ne servent à rien, si dans le même temps, la pollution détruit la base de la vie marine, le plancton. Si la sole ne redevient pas abondante, si la taille des sardines et d’autres poissons diminue, si les coquillages deviennent toxiques, c’est à cause de cela et du changement climatique. Et il n’y a aucune indemnisation pour cela. Ces ONG qui nous accablent, qui occupent quotidiennement les médias, sans contradiction, pour nous dénigrer, devraient d’abord remettre en cause tout ce qui pourrit la mer au lieu de la nourrir.

Avec de telles organisations sans légitimité démocratique, il n’y a pas de compromis possible parce qu’elles veulent nous marginaliser, nous mettre sous leur tutelle et pour certaines, nous éliminer. Après les interdictions d’engins (chaluts, dragues, filets dérivants, palangres pour les requins taupes, tamis à civelles, etc.), elles veulent éliminer la pêche ou la réduire dans 50 % des eaux côtières. Elles veulent aussi supprimer les aides au carburant et que nous le payions 2€ le litre.

Nous sommes prêts à nous adapter

Nous sommes prêts à débattre avec des associations environnementalistes locales, au fonctionnement démocratique, soucieuses du bien commun sur nos territoires. Il faut des écolos mais des vrais qui comprennent pourquoi et comment on travaille. Nous ne voulons pas détruire la nature, mais la préserver tout en continuant à travailler pour nourrir les gens.
Nous sommes prêts à nous adapter comme nous l’avons toujours fait car la mer et les conditions changent en permanence. J’ai moi-même expérimenté le casier à langoustine. J’ai investi pour pêcher le poulpe et maintenant, je reviens au filet. Tout cela coûte cher. Aujourd’hui qui peut investir sans garantie de pouvoir travailler ? On ne construira plus un seul bateau alors que la flotte vieillit et devient dangereuse au point que le nombre de morts augmente.
La Commission Européenne, alignée sur les ONG, empêche de construire des bateaux adaptés aux nouvelles conditions et il n’y a, pour l’instant, aucune alternative au gasoil. Nous savons qu’il faudra se passer des énergies fossiles, mais si nous disparaissons avant que des alternatives soient fiables, on ne reconstruira pas une pêche vivante et nos ports mourront. C’est ce que veut la Commission Européenne qui ne croit que dans l’aquaculture et programme notre disparition.

Nous voulons vivre
Le monde ne peut pas se payer le luxe de se priver d’une ressource alimentaire de qualité qui est redevenue plus abondante.
La pêche, c’est notre vie, notre passion. C’est aussi celles de nombreux jeunes qui reviennent sur les quais. J’ai de jeunes matelots, ils gagnent leur vie et je veux leur transmettre les savoirs de ce beau métier. C’est le seul qui dépende totalement de ce que la nature nous offre et où on doit se fixer des limites. En cela c’est un métier du futur.

Nous devons être soutenus

Si nous, pêcheurs, nous restons seuls, nous sommes condamnés. Que pèsent 9000 pêcheurs en France ? Si, en plus, certains pratiquent l’insulte au lieu du débat démocratique, d’autres s’accoquinent avec des ONG qui prétendent défendre les pêcheurs et s’attribuent un rôle stratégique avec l’appui de quelques chercheurs complices, notre avenir est bien compromis. Entre nous, il est normal qu’il y ait des différences, mais un minimum de respect est nécessaire pour être entendus.
Cela ne suffit pas, il faut réunir tous les acteurs de la filière qui commencent à sentir les effets de l’absence de vision d’avenir. Il faut aussi que les élus prennent la mesure du mépris que nous subissons, de notre angoisse et même de notre désespérance face à l’accumulation des interdits et des contraintes, à l’impossibilité de prévoir les règles du futur. Ils doivent mobiliser les habitants pour sauver une activité vitale. On ne sauvera pas les océans sans les pêcheurs, sentinelles de la mer.

C’est pour cela que j’appelle à la création d’un comité de survie. Ce faisant, je ne prétends pas devenir un leader autoproclamé. Je veux seulement contribuer à construire ensemble un mouvement démocratique capable de mobiliser largement dans la durée.

C’est à ceux qui voudront bien se réunir le vendredi 19 avril à 17 h , salle Verrières, au port de Lorient, d’en décider.

Nicolas Coguen, patron du Drakkar

Pour un portrait de Nicolas Coguen
https://peche-dev.org/spip.php?article429

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